Cyril Horiszny. Photojournaliste.

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"Back to USSR !"



1972 ! Une lame de fond frappe de plein fouet la génération dissidente ukrainienne née du "Dégel" de Khrouchtchev (1). En sinistre chef d’orchestre dévoué à ses maîtres du Kremlin, le nouveau Premier Secrétaire du Parti Communiste Ukrainien envoie l’intelligentsia de son pays croupir dans les camps et les hôpitaux psychiatriques soviétiques. L’embryon du renouveau national en Ukraine s’éteint.
Carriériste à souhait, Volodymyr Cherbytsky inaugure ainsi une nouvelle page noire pour les défenseurs d’une Ukraine libre, qui n’hésiteront pas à parler d’«ethnocide» alors que sévit la russification à outrance de leur pays. Ce zèle ne le conduira jamais plus haut, malgré la mort de Brejnev (2) en 1982.

 

Sans jamais renier leurs principes, certains résistants ukrainiens trouveront néanmoins la mort en détention sous son règne à commencer par le poète Vasyl Stous (3) en 1986. En février dernier pourtant, le pouvoir ukrainien décide de réhabiliter le bourreau disparu en 1990, en célébrant avec les honneurs son 85e anniversaire. Déboulonnés en 1991, les symboles du «glorieux passé soviétique» refleurissent aujourd’hui en Ukraine dans l’indifférence pour ses martyrs et l’indépendance du pays.

 

En décidant en mars dernier de célébrer le 350e anniversaire du traité de Pereyaslav (4), L. Koutchma (5) ne pouvait choisir plus humiliant pour les Ukrainiens tournés vers l’Europe et la démocratie. Choyée par les dirigeants soviétiques, la commémoration masque derrière l’amitié entre «frères slaves» le début de l’oppression russe sur l’Ukraine en 1654. Autrement dit, l’un des mythes les plus dévastateurs dans l’Histoire de l’Ukraine, longtemps falsifiée.

 

S’il est dit que l’Histoire ne se répète pas, L. Koutchma (4) remet pourtant au goût du jour cette nostalgie, comme pour mieux séduire l’électorat communiste, mais surtout pour s’assurer les bonnes grâces du dernier rempart contre son isolement total : le «grand frère russe».
Une aubaine pour V. Poutine (6), qui depuis son arrivée au Kremlin s’efforce de redorer le blason d’une Russie impériale quelque peu ternie par B. Eltsine. Armé d’arguments de poids comme l’approvisionnement en gaz de l’Ukraine, Moscou garde également son emprise à travers son Eglise orthodoxe encore majoritaire en Ukraine. 

 

Politiquement fidèles à l’Etat ukrainien indépendant, L. Koutchma et l’ex-nomenklatura du «parti du pouvoir» restent néanmoins fortement attachés au Kremlin. Leur engagement pro-européen manque alors de crédibilité face à un discours globalement brouillé.
Aujourd’hui, L. Koutchma semble mettre en veilleuse son numéro d’équilibriste entre Est et Ouest, au profit d’un rapprochement inédit avec Moscou. Désavoué depuis deux ans en Occident face à la dérive autoritaire de son régime, L. Koutchma affiche désormais sa préférence, comme pour mieux s’assurer l’immunité post-présidentielle.

 

Les capitaux russes ont déjà fait main basse sur l’économie ukrainienne, mais les traités de coopération se développent plus que jamais entre les deux pays. Le 30 janvier dernier, L. Koutchma s'est retrouvé catapulté à la tête de la CEI, organisation internationale euro-asiatique chapeautée par la Russie.
Depuis sa création en 1991, la CEI a beau être amorphe économiquement comme diplomatiquement, le ralliement du président ukrainien aux douze anciennes républiques soviétiques est lourd de contradiction vers l’intégration euro-atlantique. D’autant plus lorsqu’un mois plus tard, les présidents de Russie, de Biélorussie, du Kazakhstan et d’Ukraine rendent public leur intention de créer une zone économique commune.

 

V. Poutine fait également les yeux doux à L. Koutchma pour que l’Ukraine rejoigne l’influente Communauté Economique Eurasienne. Pour sceller son emprise sur le «petit frère ukrainien», l’homme fort du Kremlin a tout intérêt à poursuivre sa course contre la montre à l’approche des élections présidentielles ukrainiennes de 2004. En attendant, l’idylle entre les deux présidents est au beau fixe et, ô hasard du calendrier, 2003 sera l’Année de la Russie en Ukraine…

 

(1) Nikita Khrouchtchev, Khrouchtchov, Khrushtchev, Khrushtchov, Khrushchev ou Khrushchov.

(2) Leonid Brejnev ou Brezhnev.

(3) Vasyl Stous ou Stus.

(4) Pereyaslav ou Perejaslav.

(5) Leonid Koutchma ou Kuchma.

(6) Vladimir Poutine ou Putin.


© 2002 Cyril Horiszny  

 

 

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