Cyril Horiszny. Photojournaliste.

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Rouslana – La victoire en chantant 

 

 

Un vent des Carpates a soufflé sur le 49e concours de l’Eurovision le 15 mai dernier, grâce à la victoire de l’Ukrainienne Rouslana. Délaissée par l’Europe économique et politique, l’Ukraine s’est retrouvée sous les projecteurs grâce à l’Europe de la musique et à une ambassadrice au charme et aux danses…  sauvages.

 

 

«Ukraine : douze points, Ukraine twelve points… » Les Ukrainiens ne se lassent pas de cette douce et euphorisante mélodie, répétée à huit reprises le 15 mai dernier devant plus de 100 000 téléspectateurs européens. Evénément pour les uns, non-événement, pour les autres, l’Eurovision vient d’introniser à Istamboul sa nouvelle sultane : Rouslana l’Ukrainienne.
Pour la deuxième participation seulement de son pays au célèbre concours, la brunette de Lviv est venue, a vu et a vaincu grâce à sa chanson ethno-pop «Danses sauvages», inspirée de ses Carpates natales. Les rythmes et instruments houtsoules, matinés de sauce pop-rock ont fait l’effet d’un ouragan. Danseurs survoltés, chorégraphie endiablée, costumes de cuirs et de peau à l’ancienne en prime.

 

 

Les fauves sont lâchés et bien décidés à ne faire qu’une bouchée de bien pâlichons ménestrels de la chanson européenne représentée ce soir là. Hormis quelques rythmes populaires des Balkans, cette cuvée de l’Eurovison ressemble davantage à un concours de clones pour la plupart gominés et anglophones. Un couplet en ukrainien, l’autre dans la langue du show-biz, Rouslana et sa tribu de guerriers captive le public et confirment que le plateau en verre de la scène fendue la veille pendant les demi-finales par les «danses sauvages» annonçait bien un séisme.
La belle ukrainienne n’est pas venue faire de la figuration  malgré la toute récente participation de son pays au concours. Elle récolte au passage les fruits d’une habile campagne promotionnelle avant l’Eurovision, rythmée notamment de concerts à travers l’Europe. Débordante d’ambition et d’énergie, Rouslana Lyzhytchko sait ce qu’elle veut. Elle met à profit sa fougue et son caractère pour composer ses propres chansons, mais encore plus rare ces temps-ci, les produire.

 

 

Directrice de ses clips vidéos et enfin danseuse, tant d’étiquettes ne sont pas si lourdes à porter pour de si jeunes épaules, au contraire. Avec un style musical plutôt «commercial» mais original, son professionnalisme et sa marque artistique font mouche. Le dernier album de Rouslana «Dyki Tantsi – Wilde dances», enregistré dans le studio de Peter Gabriel à Londres a été récompensé d’un disque de platine pour la première fois en Ukraine, grâce à plus de 170 000 exemplaires déjà écoulés.
La chanteuse peut également se targuer d’avoir lancé le premier clip vidéo d’Europe tourné pour les cinémas modernes en Dolby Digital 5.1 et en haute définition. L’exercice aura nécessité la bagatelle de 250 spécialistes, de cinq studios de cinéma et sept pays différents, de dix hélicoptères, quatre kilomètres de film et un concert de cascades. Après sa consécration sur la scène de l’Eurovision, ce beau brin de fille désormais implanté sur le marché européen de la musique nourrit de nouveaux projets, à commencer par un nouvel album et une tournée à travers l’Europe.

 

 

Si ces dernières années, les gagnants de l’Eurovision ont rarement percé, l’événement kitch et démodé a néanmoins lancé la carrière internationale du célèbre groupe suédois «Abba» ou encore de Céline Dion. En attendant, l’Ukrainienne est devenue le temps d’un soir la coqueluche de milliers d’Européens devant leurs écrans ce soir-là, tout en incarnant la meilleure ambassadrice du moment de sa terre natale qu’elle embrassera dès son retour d’Istamboul. Remarquée dès 1993 au Festival ukrainien de musique moderne «Tchervona Routa», Rouslana cultive son propre style décapant, tout en citant les étoiles de la chanson populaire ukrainienne Ivasiouk et Bilozyr, chantres d’une Ukraine libre avant leur tragique disparition. Proche de ses racines ouest-ukrainiennes, la chanteuse se fait surtout un honneur de parler haut et fort en ukrainien, préférant répondre malicieusement «ya tebe kokhayu» a «ya tebe lioubliou», trop proche du russe, lorsque des journalistes étrangers la prient de traduire «je t’aime».

 

 

Son puissant timbre de voix et sa performance ont fait oublié ce soir là en Europe, la réductrice association entre Ukraine et Tchernobyl. Le tour de force permettra à l’Ukraine d’accueillir pour la première fois le Concours l’année prochaine, à l’occasion de ses 50 ans. Un demi-siècle qui ne fait qu’ajouter un peu plus de pression face à l’organisation déjà colossale des festivités.
La plus grande salle de Kiev, aux normes encore soviétiques, n’excède pas les 10 000 places, soit moitié moins que la capacité requise, alors que le parc hôtelier post-soviétique de la capitale reste limité et obsolète. La modeste Estonie contournait le problème en 2002 en sacrifiant la totalité de son budget du tourisme, soit 21 millions d’euros, alors que l’Irlande laissait la chaîne nationale RTE quasi exsangue, après l’organisation du concours à plusieurs reprises dans les années 1990.

 

 

Engagé dans une lutte contre-la-montre, la nécessiteuse Ukraine hérite d’un cadeau empoisonné, mais d’une chance exceptionnelle de faire parler d’elle un soir de printemps 2005. Le défi est de taille, tout comme l’enjeu, capital pour l’image d’un pays aux ressources insoupçonnées. Car le temps d’un soir, la voix de Rouslana a permis de sortir de l’ombre un pays oublié, un peuple, qui s’est alors senti exister face aux millions de regards européens braqués sur sa représentante. L’année prochaine, ces regards se pointeront vers un pays et sa capitale, Kiev… et non Minsk comme le soutenaient tout à leur fierté les présentateurs de France 2. Après vérification, ils se sont ravisés : «Kiev est bien la capitale, Minsk c’est en Pologne !… »


© 2004 Cyril Horiszny

 

 

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